Le plantain lancéolé (Plantagolanceolata L.), utilisé comme fourrage secondaire en Europe au XVIIIe siècle, a été oublié par l’agriculture moderne. Cependant, l’appétence de ce fourrage et son implantation large et facile dans les prairies sous des climats tempérés font qu’il a été reconsidéré ultérieurement. Dans les années 1990, le cultivar Ceres Tonic est breveté par PGG Ltd, un semencier néo-zélandais. Cette variété de plantain lancéolé, originaire du nord du Portugal, a été sélectionnée initialement pour son port dressé et ses larges feuilles, la rendant intéressante pour le pâturage. Il s’est avéré que le cultivar Ceres Tonic présentait bien d’autres avantages. Cet article est l’occasion de faire un bilan sur les caractéristiques et l’utilisation du cultivar Ceres Tonic.
Quels sont les avantages du plantain Ceres Tonic?
Les avantages de ce cultivar sont multiples. Ils sont déclinés ci-dessous.
Une morphologie adaptée au pâturage : il se caractérise par son port dressé qu’il conserve même dans des conditions de pâturage intensif. Il se différencie ainsi des autres cultivars qui ont tendance à s’affaisser dans ces conditions. C’est pour cette caractéristique qu’il avait initialement été sélectionné.
Une adaptabilité aux associations : le plantain est une plante très intéressante, car il conserve son appétence durant la phase de reproduction de la plante. Il tolère plus facilement des écarts de gestion durant l’année et ne perd que très peu de valeur alimentaire entre les pâturages. Une souplesse d’exploitation et une qualité permettant de l’associer à des plantes ayant un rythme de croissance plus lent mais aussi très rapide, notamment une luzerne ou un RGA, par exemple.
Une tolérance à la sécheresse : sa racine dense soutenue par un système racinaire fibreux lui confère une bonne tolérance aux épisodes de sécheresse. Durant ces périodes, sa stratégie de survie est de réduire drastiquement sa production. Mais dès le retour d’une légère humidité, sa réponse est très rapide et sa croissance redémarre sans délai.
Une croissance précoce au début du printemps : le plantain Ceres Tonic se démarque de nombreuses plantes fourragères par le fait qu’il reste actif pendant les mois les plus froids. En effet, d’autres cultivars de plantain sont en dormance pendant l’hiver, c’est-à-dire que leur croissance s’arrête pendant la période froide, leur métabolisme tourne au ralenti. À la sortie de l’hiver, quand la dormance est levée, la croissance de ces autres plantains est d’abord lente, alors que celle du plantain Ceres Tonic démarre plus rapidement au retour de conditions climatiques plus clémentes.
Une source intéressante d’oligo-éléments : le plantain Ceres Tonic contient une grande quantité de minéraux comparé au ray-grass. L’accumulation de minéraux, tels que le cuivre et le sélénium, par le plantain Ceres Tonic est probablement due à son système racinaire profond plus efficace pour prélever les minéraux du sol. Cette concentration plus élevée dans la plante se répercute sur les ruminants qui la pâturent. La concentration de cuivre dans le foie d’agneaux ayant pâturé du plantain Ceres Tonic pur est trois fois plus élevée que pour des agneaux ayant pâturé du ray-grass pur. Quant au sélénium, sa concentration est doublée.
Une consommation importante de matière sèche : les ruminants qui pâturent du plantain Ceres Tonic consomment plus de matière sèche que ceux qui pâturent du ray-grass. Comparé au ray-grass, le plantain contient une plus faible concentration de fibres (28,3 % contre 48,7 %) et une forte concentration de protéines brutes (24,7 % contre 15,5 %). Pour le plantain, la vitesse de dégradation des protéines dans le rumen est rapide, les ruminants augmentent donc leur prise alimentaire pour remplir de nouveau le rumen.
Des propriétés antiparasitaires : on observe que les ruminants pâturant des prairies contenant du plantain ont moins de parasites internes. Une expérimentation a permis de démontrer qu’à contamination égale avec des strongles (Teladorsadagiacircumcincta au stade larvaire) 7 jours avant l’agnelage, les brebis pâturant du plantain Ceres Tonic ont 48 % moins d’œufs de strongles dans les fèces après agnelage que les brebis pâturant du ray-grass. À la fin de l’expérimentation, 11 semaines après l’agnelage, les brebis pâturant le ray-grass ont une concentration parasitaire 3 à 4 fois plus importante que celles pâturant le plantain Ceres Tonic. Le mécanisme impliqué n’est pas exactement connu, mais différentes recherches se sont intéressées à la possibilité que l’aucubine, une molécule que contient le plantain, soit à l’origine de ses propriétés antiparasitaires. L’aucubine est un hétéroside iridoïde, c’est-à-dire un métabolite secondaire synthétisé par le plantain grâce à la condensation d’un sucre et d’une substance non glucidique. Une première analyse in vitro conclut qu’à forte concentration, l’aucubine inhibe la mobilité de la larve de strongles de stade 3 (Trichostrongyluscolubriformis), mais qu’à faible concentration, comme celle qu’on peut trouver dans le plantain, aucun impact antiparasitaire n’est mis en évidence. Une autre analyse, toujours in vitro, a montré que l’aucubine réduit l’activité des larves de strongles (Ostertagiaostertagi) au 2e jour mais que cette activité reprend le 3e jour. Ainsi, même si le plantain contient de l’aucubine et que celle-ci a des propriétés antiparasitaires dans certaines conditions, il semble qu’elle ne soit pas présente en quantité suffisante pour expliquer les propriétés antiparasitaires du plantain.
Des performances animales améliorées : de nombreuses études montrent l’amélioration des performances des ruminants pâturant les prairies contenant du plantain, sans réellement expliquer le mécanisme qui les engendre. Pendant la lactation, la production de lait des brebis, le GMQ des agneaux et l’état corporel des brebis sont meilleurs que sur des prairies de ray-grass. Les performances sont également meilleures pour les agneaux sevrés, qui présentent un GMQ supérieur et donc atteignent le poids d’abattage plus rapidement que des agneaux pâturant du ray-grass. Des expérimentations sont en cours à Massey University (Palmerston North, Nouvelle-Zélande) pour observer les performances de veaux laitiers mâles sur des prairies contenant du plantain. Les premiers résultats montrent une amélioration du GMQ par rapport à des bovins pâturant des prairies sans plantain. Ces résultats sont similaires aux observations faites pour les ovins.
Comment l’implanter ?
Semis d’automne ou de printemps
Des semenciers néo-zélandais annoncent que l’établissement du plantain Ceres Tonic est similaire à celui du ray-grass, que ce soit par un semis de printemps ou d’automne. Des expérimentations apportent cependant des renseignements complémentaires. Quelles que soient les variétés de plantain, 40 jours après un semis au printemps, les plantes comptent entre 3 et 4 feuilles, alors que celles semées en automne n’en comptent que 2. Or, pour que le plantain résiste aux conditions hivernales, il doit avoir atteint le stade crucial des 3-4 feuilles. Pour assurer la survie des plantes, il faut obtenir un développement rapide. Au printemps, le pourcentage de levée le plus élevé est atteint entre 5 et 8 jours après le semis, alors qu’à l’automne, il faut attendre 15 jours pour atteindre le taux de levée le plus élevé, ce qui retarde le stade des 3-4 feuilles nécessaires à la survie en conditions hivernales.
Comment semer le plantain Ceres Tonic ?
Le semis peut aussi bien se faire en ligne, après une préparation du lit de semence, qu’en semis direct ou à la volée. Une fois encore, des recherches scientifiques permettent de connaître la meilleure méthode. Il est préférable de semer le plantain Ceres Tonic en ligne s’il n’est pas en association, pour réduire le taux de perte et améliorer le rendement de la première saison. Il est cependant préférable de semer une prairie multi-espèces à la volée afin de favoriser la colonisation du trèfle blanc. La profondeur optimale de semis est de 1 cm. En effet, le taux de levée diminue quand la profondeur de semis augmente.
Les recommandations de densité de semis de plantain sont entre 2 et 4 kg/ha quand il fait partie d’un mélange (ray-grass, trèfle blanc, trèfle violet, chicorée…). En monoculture ou en plante dominante (avec du TB par exemple), il est recommandé de semer à une densité comprise entre 10 et 14 kg/ha, en deux passages de semis croisés qui permettent de maximiser la couverture du sol.
Productivité annuelle
Il existe peu de données sur la productivité du plantain Ceres Tonic. On peut cependant citer quelques expérimentations menées en Nouvelle-Zélande, qui mettent en évidence les rendements intéressants de ce cultivar. La productivité annuelle en monoculture avec une densité de semis de 10 kg/ha a été évaluée entre 15 et 19 TMS/ha/an à Hamilton (Nouvelle-Zélande, île du Nord, sud d’Auckland) et à 17 TMS/ha/an à Palmerston North (Nouvelle-Zélande, île du Nord, nord de Wellington).
Dominante ou mélanges ?
Le plantain peut être cultivé pur ou en association. En association, il devient souvent une espèce minoritaire et représente seulement 20 % des plantes après 2 ou 3 ans. Si la fertilisation est importante, ce pourcentage peut être encore plus faible, puisque les espèces majoritaires sont davantage favorisées.
Son utilisation en monoculture est relativement récente. C’est un fourrage très intéressant dans les zones sèches. Quand il est pâturé en été, il améliore le GMQ des agneaux sevrés et supporte un chargement plus important que le ray-grass. S’il est pâturé en début de printemps, il améliore la lactation des brebis avec multiples, grâce à son activité pendant l’hiver et en début de printemps. Cela se répercute sur le poids des agneaux au sevrage (entre 10 et 34 % plus élevé par rapport au pâturage de ray-grass) et sur le poids des brebis (majoré de 14 kg en moyenne).
Dans des prairies multi-espèces : le plantain Ceres Tonic a d’abord été pensé pour être intégré dans des prairies multi-espèces. Il permet d’améliorer la qualité de la prairie en été, car il continue à produire des feuilles au cours de la fructification. Pendant la période de fructification et pendant le pâturage, le plantain peut être composé de plus de 70 % de feuilles. Cependant, sa présence dans les mélanges rend la gestion des adventices plus délicate puisqu’il est sensible à la majorité des produits phytosanitaires.
Associé aux trèfles : il est de plus en plus utilisé à la place du ray-grass en association avec le trèfle blanc. C’est d’ailleurs l’utilisation majoritaire du plantain Ceres Tonic en Nouvelle-Zélande. Le trèfle fournit l’azote nécessaire pour une meilleure productivité du plantain Ceres Tonic, ce qui permet aux prairies de supporter un chargement important et d’assurer des performances animales élevées.
Associé à la luzerne : la luzerne présente une excellente croissance estivale, en particulier sous un climat chaud et sec. Cependant, les systèmes avec luzerne doivent être associés à des espèces actives en hiver pour pouvoir couvrir les besoins en début de printemps. Le plantain Ceres Tonic le permet grâce à son activité hivernale. En association, le plantain permet d’augmenter la durée de vie de la luzerne de 2 ou 3 ans.
À retenir !
Pour maximiser l’établissement du plantain Ceres Tonic, il est préférable de le semer au printemps. Un semis en ligne à une profondeur de 1 cm semble être l’itinéraire technique le plus approprié, si possible en deux passages croisés. La densité de semis pour une prairie multi-espèces est comprise entre 2 et 4 kg/ha, alors qu’en monoculture ou en base dominante, la densité est comprise entre 10 et 14 kg/ha.
Le plantain Ceres Tonic peut être utilisé en monoculture ou en association. Dans une prairie multi-espèces, il ne représentera pas plus de 20 % du mélange. Associé à des légumineuses, il bénéficie de la fixation de l’azote de ces dernières et soutient la production des prairies durant les périodes où les légumineuses sont moins productives.
Les avantages du plantain Ceres Tonic sont multiples. Initialement sélectionné pour sa morphologie adaptée au pâturage, il est également avantageux car sa croissance reprend rapidement après un épisode de sécheresse ou des températures basses. Une consommation de matière sèche plus importante par les ruminants améliore les performances animales. Plusieurs expériences démontrent que le plantain permet d’obtenir des performances animales supérieures par rapport au ray-grass, et son utilisation est très développée en Nouvelle-Zélande. Il présente, de plus, des propriétés antiparasitaires, dont on ne connaît pas exactement l’origine. Sa richesse en oligo-éléments est démontrée : les ruminants qui le pâturent présentent une bonne concentration en sélénium et en cuivre dans le foie.