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    Des ovins dans les cultures : comment s’est construit un projet d’installation atypique dans le Loiret ?

    Changement de parcelle

    La ferme de Magnanville en bref

    Total de 124 ha répartis comme suit en 2021 :
    – 6 ha de blé dur,
    – 34 ha de blé tendre,
    – 5 ha de féveroles d’hiver,
    – 10 ha de féveroles de printemps,
    -33 ha de maïs,
    – 26 ha de luzerne,
    – 5 % de jachère,

    400 brebis
    Race : Wairere Romney pour leur rusticité (pas de bâtiment)

    Organisation
    Les animaux à forts besoins ont 1 ha/jour, “une assiette fraîche” tous les jours sauf pendant l’agnelage pour ne pas perturber les brebis.
    La qualité est réservée aux périodes à forts besoins : préparation lutte/lactation/croissance des agneaux.
    Ressources alimentaires pour les animaux :
    – 45 ha de couverts végétaux de qualité, à faire pâturer par les brebis et agneaux ;
    – pâturage des couverts chez un ami et chez son père dans un rayon de 25 km ;
    – 17 ha de prairies de secours (possibilité d’y mettre les brebis l’été) ;
    – 20 ha d’écopâturage à la sucrerie (possibilité de février à août), prairies réservées aux brebis après sevrage et aux vides ou pour les animaux à très faibles besoins.

    Commercialisation
    Achat d’une fourgonnette frigo
    En 2020 : 318 agneaux
    Vente directe (varie selon les années) : 90 agneaux
    Caissettes : 25 agneaux
    Renouvellement : 20 % du troupeau
    Le reste à la coopérative

    Main-d’œuvre et temps de travail
    1 UTH sur les cultures et l’atelier ovin
    Entraide
    90 heures/mois
    Les pics de travail en élevage et en culture sont en décalage.
    Déplacement des brebis : transhumance sur 6 km une fois dans l’année et déplacements avec bétaillère dans un rayon de 25 km deux à trois fois dans l’année.

    Les principales interventions
    9 octobre : début de la lutte, 2 cycles, 35 jours au total
    Janvier/février : tonte des brebis pour éviter les myiases et échographie pour séparer les doubles des simples
    25 janvier : bolus pour les brebis
    5 mars : début des agnelages
    10 avril : fin des agnelages
    15 avril : bouclage des agneaux + vaccination
    Mai : tonte des brebis et pesée des agneaux
    15 juin : pesée et tout le monde est sevré (moyenne 90 jours) + tonte des agneaux + vermifuge + séparation des mâles et des femelles

    Un projet d’installation atypique 

    Baptiste s’est installé en nom propre le 1er septembre 2018, sur une ferme céréalière dans le Loiret, à 25 km de la ferme de son père. Il a répondu à une offre de la Safer en proposant de développer de l’élevage ovin en système plein air sur pâturage de couverts végétaux. Projet atypique pour la région, mais sa motivation et ses convictions sont communicatives.

    Il a construit son projet autour d’une préoccupation :« Comment permettre à mes sols de se régénérer ? J’ai cette obsession de nourrir mes sols pour qu’ils soient en bonne santé, parce que je veux travailler avec fierté. Je souhaite également diversifier mon activité et sécuriser mon entreprise.” Baptiste a de lourdes annuités à payer, mais il est serein : « C’est un risque, mais ma ferme a du potentiel.” Ce qui frappe chez Baptiste, c’est son caractère volontaire et affirmé, il aime relever les défis et entreprendre.

    L’agriculture de conservation et l’élevage sont “ses outils” pour permettre aux sols de se régénérer. Baptiste souhaite également partager sa passion et participer à la vie locale en proposant de la viande de qualité en vente directe.

    La synergie entre agriculture de conservation et élevage ovin

    Une idée qui a fait son chemin
    Baptiste est attaché à l’agriculture de conservation avec le non-labour et la couverture permanente des sols. Il ne se voyait pas faire autrement pour gérer ses cultures. Depuis déjà plusieurs années, avec son père, ils évoquaient l’idée de mettre des animaux sur les intercultures pour nourrir le sol et aller plus loin dans la valorisation de ces couverts, au final, de bonne qualité.

    Pour en savoir plus, il se documente et il rencontre Christophe Piou, céréalier en agriculture de conservation dans le Loir-et-Cher, près de Chambord. Celui-ci a mis en place depuis cinq ans un atelier ovin en plein air sur pâturage de couverts. Baptiste est convaincu de l’efficacité agronomique mais aussi économique d’un tel système.

    La plus-value agronomique
    « C’est tellement logique finalement : on nourrit les animaux et, en contrepartie, ils fertilisent les sols. Plus le sol se régénère, plus les couverts sont de qualité et plus les animaux sont bien nourris. La boucle est bouclée, tout le monde est content.”

    Des animaux légers
    Les ovins intéressent aussi Baptiste pour leur petite taille. Ils n’endommagent pas les parcelles, conditions non négociables pour lui. Ce n’est pas une production au détriment de l’autre. “J’ai certaines parcelles qui sont très humides, il faut être vigilant, mais je n’ai aucun souci de piétinement qui viendrait pénaliser la productivité de la parcelle. Les brebis sont légères et, surtout dans mon système, elles ne restent que 24 heures au même endroit.”

    Sécurité économique
    Il est peut-être superflu de le rappeler, mais dans un contexte de fluctuation des prix, la diversification, quand elle est possible, peut apporter une sécurité en plus et Baptiste, comme tout jeune installé, a cette pression financière sur les épaules.

    Rigueur et adaptation

    Baptiste n’est pas éleveur à l’origine, mais pour lui, la conduite et le suivi du troupeau doivent être rigoureux pour une optimisation agronomique et économique du système :
    « Je planifie toutes mes interventions sur la saison, d’une part pour être performant techniquement, mais aussi pour organiser mon temps de travail.”

    Que ce soit en culture ou en élevage, il vise la performance. Il insiste sur l’importance de tourner toutes les 24 heures sauf pendant l’agnelage, pour ne pas les perturber. « Elles ont une assiette fraîche toutes les 24 heures, donc de la qualité. C’est plus de travail, mais ce n’est pas non plus le bagne, et moi j’aime ça.”

    Du côté des couverts, Baptiste est aussi organisé : « Je fais un point sur ce qui marche ou pas et j’en tire les conséquences. Je prévois assez tôt mes mélanges, en fonction aussi des différents sols de la ferme. Je choisis aussi mes couverts pour la structuration de mon sol, etc.”

    Rigueur n’est pas à confondre avec rigidité : « Il faut aussi être en capacité de s’adapter et être opportuniste selon les couverts disponibles.” Dans le système de Baptiste, cet opportunisme est possible avec les parcelles de son père et de son ami, à disposition à 25 km de la ferme.

    Diffuser le modèle, “montrer que c’est possible”

    Comme pour beaucoup de projets atypiques, les avis étaient négatifs au début, les gens avaient beaucoup d’a priori : « On me disait qu’avec l’agnelage, je ne pourrais pas dormir de la nuit, que je devrais passer mon temps dans l’élevage, que mes animaux allaient mourir, que j’allais pénaliser mes cultures…”

    Les modèles d’élevage ovin sont basés sur la production en bergerie, avec d’autres contraintes, d’autres calculs économiques et financiers. C’est difficilement comparable. Cependant, en France, les références sur le système ovin plein air sur couvert et sur prairie tendent à se développer. Mais il reste encore beaucoup à faire. Baptiste souhaite participer à la diffusion de ce modèle, c’est pourquoi il tient aussi à obtenir des résultats techno-économiques performants, avec de bonnes marges, des animaux en bonne santé, des sols régénérés et, pour finir, « avec un homme heureux de travailler ses cultures, mais aussi d’être avec ses animaux”.

    Il accueille régulièrement des stagiaires qui envisagent de s’installer par la suite sur ce type de système : « J’aime beaucoup ça, je leur explique tout, on travaille sur les chiffres, sur le temps de travail, etc. Ils s’investissent et comprennent le principe. Je suis confiant pour eux pour la suite.”

    Certains céréaliers commencent à se poser la question de faire pâturer des animaux, mais il faut le faire sous certaines conditions : « Celui qui veut accueillir des brebis, c’est un premier pas, mais s’il veut que tout le monde soit parti au 10 octobre pour labourer, c’est compliqué pour l’éleveur.” Des compromis sont à trouver. Ouvrir le dialogue entre céréaliers et éleveurs permettra d’envisager une nouvelle façon de coopérer et de lutter contre l’appauvrissement des sols dans certaines régions où l’élevage a disparu depuis deux générations.

    Les projets :

    • développer la vente directe ;
    • clôturer les périphéries de ses parcelles ;
    • vendre ses animaux à d’autres éleveurs, ce qui serait un gage de reconnaissance de son travail.

    Pour conclure :

    Ce système nécessite de développer ses compétences techniques et d’être organisé, mais ce n’est pas un souci pour Baptiste : « J’aime ça, apprendre sans cesse, et je vise la performance. Je suis de mieux en mieux organisé.”

    L’avis de Baptiste : les avantages d’un système ovin plein air et les précautions à prendre

    Les avantages :

    • production en cycle court pour un retour sur investissement plus rapide ;
    • pas d’investissement en bâtiment ;
    • fertilisation des sols ;
    • diversification économique ;
    • plaisir : diversification de l’activité sur la ferme ;
    • développement de la vente directe pour valoriser l’élevage ;
    • des stagiaires sur l’exploitation motivés par le système ;
    • proposer un autre modèle pour des futurs installés.

    Les précautions :

    • « Il faut être au clair sur le fait que ça ne peut pas être une production au détriment d’une autre, surtout si on veut de la performance agronomique et économique. Il faut préserver les animaux et les cultures et faire au mieux.”
    • prévoir suffisamment de surface en cas de problème d’implantation ou de levée des couverts (surface chez un tiers) ;
    • maîtriser ses couverts ;
    • avoir une marge de sécurité alimentaire ;
    • choisir une race rustique ;
    • ne pas négliger la qualité lors des forts besoins ;
    • tondre en janvier pour éviter les myiases (40 brebis contaminées la première année).

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    MARIE GODARD
    J'ai été responsable de la formation à Paturesens pendant 5 ans, après avoir travaillé au service de remplacement lors de ma reconversion professionnelle dans le milieu agricole. Passionnée de l'humain avant tout, formée aux sciences humaines et à l'accompagnement, je propose aujourd'hui des projets pour permettre aux agriculteurs(trices) d'améliorer leurs relations au sein de la ferme, de retrouver du sens et la fierté à être agriculteur au quotidien. J'interviens également auprès des centres de formation pour sensibiliser les futurs agriculteurs et auprès de conseillers et formateurs pour améliorer leur capacité d'accompagnement. Me contacter : mg.godard@gmail.com ; 0671135119

    REDACTEUR

    MARIE GODARD
    J'ai été responsable de la formation à Paturesens pendant 5 ans, après avoir travaillé au service de remplacement lors de ma reconversion professionnelle dans le milieu agricole. Passionnée de l'humain avant tout, formée aux sciences humaines et à l'accompagnement, je propose aujourd'hui des projets pour permettre aux agriculteurs(trices) d'améliorer leurs relations au sein de la ferme, de retrouver du sens et la fierté à être agriculteur au quotidien. J'interviens également auprès des centres de formation pour sensibiliser les futurs agriculteurs et auprès de conseillers et formateurs pour améliorer leur capacité d'accompagnement. Me contacter : mg.godard@gmail.com ; 0671135119