Aujourd’hui, un virage net est amorcé dans beaucoup d’élevages bretons, consistant à mieux valoriser l’herbe pour réduire son coût de production et mieux gagner sa vie. Mais pour pleinement valoriser ce potentiel herbager, cela nécessite une infrastructure efficiente et réfléchie en amont.
Les chemins, l’autoroute de la valorisation
Avec une meilleure gestion herbagère, on se rend compte que l’herbe peut pousser toute l’année avec des dynamiques différentes selon les saisons. Mais la pleine valorisation de cette biomasse supplémentaire créée par une meilleure gestion est souvent bridée par un manque de chemins stabilisés. En effet, le fait de mettre en place des chemins stables peut s’avérer très rentable. Le CIVAM 44 a chiffré cette plus-value économique : pour un troupeau de 80 VL, 600 m² de chemin ont permis de gagner en rentabilité à hauteur de 50 €/ha/an (sans compter les économies de paille et d’épandage d’effluents).
L’abreuvement : oubliez la tonne, passez au réseau d’eau
Un à quatre litres d’eau sont nécessaires par kg de MS ingéré par vache. La tonne à eau, gourmande en temps, en carburant et dégradant les prairies, doit laisser place à un réseau d’eau enterré. Cependant, un réseau d’eau mal réfléchi avant sa mise en place peut coûter cher en cas de forte chaleur (manque de consommation d’eau, moins de lait, plus de cellules). Il est nécessaire de prendre en compte le débit initial du réseau et les pertes engendrées par la distance et la topographie : pour un réseau en 25 mm, 1 bar est perdu pour 100 m de distance (ou 10 m de dénivelé) ; comptez 0,6 bar avec du 32 mm. Beaucoup d’éleveurs optent désormais pour des bacs béton assurant stabilité et robustesse en période sèche. Compte tenu de leur durée de vie, ils se révèlent bien plus intéressants. Pour sécuriser les pertes sur le réseau, la mise en place d’un manomètre en début de ligne est un bon choix stratégique. Dans le cas d’un déplacement des bacs régulier (pour un système couloir, par exemple), l’option raccord push/pull reste le plus efficace en termes de temps passé et d’efficacité.
Des bonnes clôtures, nerfs électriques du pâturage
Le choix et la pose de clôtures font partie intégrante de la conduite du troupeau herbager. Un bon électrificateur assure le maintien des animaux dans leur paddock. Comptez 1 J/km de fil à électrifier et 1 m de prise de terre par joule pour assurer une bonne efficacité du poste.
Pour que ce courant reste constant sur la distance, la mise en place de bonnes clôtures est essentielle : du fil HighTensile en contour (mélange d’aluminium et de zinc), assurant résistance (600 kg de résistance à la traction) et durée dans le temps (30 ans). En division interne, du nylon tressé (6 à 9 fils conducteurs) peut être envisagé pour faciliter toute intervention mécanique. L’utilisation de speed roll et de piquets fibre renforcés est indispensable pour le déplacement régulier des lots.
Des bovins tout-terrain
Le fort poids vif des animaux peut être un frein quand il s’agit de faire pâturer en situation limite de portance. Des études anglo-saxonnes démontrent que les systèmes herbagers les plus performants sont basés sur des vaches de petit gabarit, associant robustesse, de bons aplombs, une longévité dans les fonctionnels, une bonne conversion de l’herbe ingérée en lait (ratio KGMS ingéré/matière utile produite) et une bonne fécondité. Cependant, beaucoup de souches génétiques, même Holstein pure, peuvent très bien convenir en système tout herbe. La « french perfect cow » n’existe pas, elle reste à créer en fonction de chaque ferme.
Une structure foncière cohérente
L’accessibilité reste un atout considérable pour aller vers l’autonomie fourragère. En moyenne, en Bretagne, les exploitations possèdent 37 ares accessibles/VL (source BCEL). Il est important de noter que plus la surface en herbe pâturée est élevée, moins le tracteur est utilisé (620 heures de tracteur gagnées pour les systèmes à 150 jours de pâturage ; source Ademe). Par ailleurs, le gain sur le coût « nourrie-logée » est de l’ordre de 20 €/1 000 l de lait, lorsque l’on passe de 30 à 45 ares d’herbe pâturée par vache (source CA). Différentes options sont possibles : échange parcellaire, boviduc, passage canadien… Cependant, la rigueur de pâturage reste une des clés essentielles pour valoriser cette accessibilité.
Pour finir, on peut se demander si l’agrandissement des troupeaux avec la réduction du pâturage, l’intensification animale et la robotisation (1 sdt sur 2 aujourd’hui) est une voie d’avenir pour les générations laitières futures. Les derniers chiffres de Cerfrance montrent bien le contraire : plus de lait par UTH, moins de rentabilité.