Avant de rentrer en détail dans la conduite d’un système ovin plein air il est important de comprendre la logique d’un système herbager. Possible sous tout type de climat il est important d’avoir une production adaptée à son potentiel herbager en prenant en compte un critère principal : La courbe de production d’herbe de la ferme. Dans notre cas, l’élevage ovin herbager peut se faire sous tout type de courbe. Cet exemple de courbe est le plus fréquent dans les grosses zones d’élevage ovin. On observe que le pâturage toute l’année est permis par des reports d’herbe sur pied pour les périodes de déficit (été et automne). En été, des flores spécifiques pour les animaux en croissances sont utilisées.
Le système ovin plein air consiste à réaliser une mise bas par an, permettant de faire la lactation à la période où l’offre alimentaire est la plus abondante, c’est-à-dire le printemps. Ce système étant largement pratiqué dans les zones avec des sécheresses marquées, la date de sevrage va conditionner tout le reste du système. Posons-nous d’abord la question : pourquoi sevrer ?
Le sevrage des agneaux permet de diminuer drastiquement le besoin alimentaire du troupeau, les mères étant taries, leurs besoins descendent entre 1.1 à 1.3 kg de matière sèche (MS) par jour au lieu de 2.5kg de MS en fin de lactation (90 jours). Celui des agneaux augmente légèrement. Le sevrage permet de ne pas mettre en concurrence qualitative et quantitative les brebis et les agneaux. Les prairies ayant le couvert de meilleure qualité sont privilégiées pour l’engraissement (nous reviendrons plus tard sur ce sujet). Autre point important, l’état corporel des brebis. Afin d’assurer de bons résultats de lutte, il est important de préserver l’état corporel du troupeau pour pouvoir lutter dès le retour du vert dans les prairies à l’automne. Les conséquences d’un sevrage trop tardif auraient un impact fort sur les résultats techniques de l’année suivante.
Quand sevrer ?
L’objectif est de sevrer des agneaux d’au moins 90 jours au moment où la qualité des prairies diminue, afin d’orienter les animaux en croissance sur les flores d’engraissement. Dans la plupart des régions séchantes de France, c’est au mois de juin qu’a lieu le sevrage avec une différence de plus ou moins 20 jours suivant l’altitude. Une fois cette date déterminée, il faut faire en sorte que l’âge moyen du lot d’agneaux à sevrer soit de 90 jours, âge où l’agneau supportera bien le sevrage puisqu’il est capable de se passer de lait. Dans certaines zones ou chez les éleveurs ayant une très grande maîtrise technique il est possible de sevrer à partir de 70 jours, toutefois il faut être irréprochable sur le suivi parasitaire sur la gestion de la qualité de la flore, sur le suivi de croissance (pesée suivis croissance hebdomadaire obligatoire). Il faut également noter qu’à ce stade, les brebis sont en reprise d’état corporel, et que le sevrage peut les pénaliser dans cette reprise. Certaines zones très difficiles (séchantes et en altitude) permettent difficilement de sevrer tous les ans à 90 jours, le sevrage précoce est nécessaire (nous reviendrons plus en détail sur le sevrage dans un autre article). Il est également possible de sevrer plus tard, si les conditions climatiques et de pousses sont bonnes, la lactation peut se maintenir jusqu’à 110 jours pour pouvoir vendre un maximum d’agneaux au sevrage (retarder le stress), attention toutefois à ne pas pénaliser l’état corporel des brebis.
Une fois la date de sevrage fixée, celle de l’agnelage va être déterminée en remontant de 90 jours en arrière, donnant la date moyenne des agnelages soit 10 jours après le premier agnelage. Prenons 2 exemples :
Zone de plaine
Zone de montagne séchante
Date de sevrage
10 juin
1er juillet
Date moyenne d’agnelage
10 mars
1er avril
Date du premier agnelage
1er mars
20 mars
Cette période d’agnelage doit correspondre au démarrage de l’herbe (environ 10 à 15kg de MS de pousse par jour et par hectare). Par exemple notre exploitation de montagne séchante ne peut pas envisager de faire agneler début mars sans le risque d’avoir des mauvaises conditions météorologiques, des couverts moyens d’herbe trop faible et d’avoir le pic de lactation trop tôt par rapport à la quantité d’herbe, pénalisant les croissances.
Dans la plupart des cas, l’agnelage se fait au démarrage de la végétation (+10kg de MS/jour), ce qui permet de tenir les paddocks assez ras et donc d’éviter de se faire dépasser par l’herbe, l’agnelage se faisant en pâturage continu. Les rotations commencent naturellement quand la pousse commence à être très marquée. Tout comme moi, vous vous dites que la nature est bien faite. Et bien oui, ce système se fait dans la logique du développement de la prairie.
Continuons de fixer nos dates clés et abordons la période clé du système pâturant, cette période qui va conditionner votre année à venir, la lutte.
Son importance est souvent minimisée, mais tout doit être fait pour privilégier la période de fécondation. La seule est unique priorité est de nourrir en quantité et en qualité suffisante les brebis et agnelles misent à la reproduction. Tout autre classe de cheptel improductive doivent être vendus à cette époque-là, notamment les agneaux de boucheries s’il en reste quitte à les brader (à noter que vous n’êtes plus censés avoir d’agneaux à cette période-là)! Chaque kilo de matière sèche qu’ils consommeront sera une pénalité pour votre année suivante.
La lutte en quelques mots (Ne vous inquiétez pas, nous y reviendrons dans un article détaillé ! )
Elle va durer 2 cycles sexuels soit 34 jours, l’objectif étant d’avoir un maximum de brebis fécondées sur le premier cycle pour que les agneaux soient assez âgés avant le sevrage (permettant également une marge de manœuvre en cas de sevrage précoce. Il n’est pas nécessaire de faire un 3eme cycle de lutte puisqu’il amènerait à gérer 3% de brebis pleines, décalés sur le reste du troupeau, retardant les étapes importantes (docking, sevrage, traitement, vaccination etc) avec le risque de pénaliser les 95% de brebis remplient sur les 2 premiers cycles. Il est primordial d’offrir une alimentation de qualité pour assurer une prolificité et une fertilité élevée.
La gestation durant 145 jours (en moyenne) la mise au bélier doit avoir lieu 4 mois et 3 semaines avant le début de l’agnelage
Zone de plaine
Zone d’altitude séchante
Date de sevrage
10 juin
1er juillet
Date moyenne d’agnelage
10 mars
1er avril
Date du premier agnelage
1er mars
20 mars
Date début de lutte
4 octobre
23 octobre
Date fin de lutte
7 novembre
27 novembre
Des cycles de production court
Contrairement à la production laitière ou l’élevage allaitant, l’élevage ovin repose sur des temps de production courts qui ne laissent pas de place à l’erreur. Retarder une intervention tel qu’un traitement parasitaire, le suivi des croissances ou une mauvaise gestion de l’alimentation, même sur une courte durée, va faire baisser rapidement les croissances et ces dernières ne pourront jamais être rattrapées. Le système ovin pâturant doit attendre une haute performance technique et économique mais pour cela tout le processus que nous développerons dans ces articles devra être rigoureusement respecté, sans quoi, une simple impasse peut impacter toute votre année de production, voir plus encore.
Quels résultats visés ?
Souvent, parler d’un système pâturant, à faible coût de production laisse penser à un système extensif, où l’on ne cherche pas la productivité. C’est tout le contraire ! Notre objectif est d’allier productivité du système : en termes de production/hectare (produit lait et/ou viande) tout en ayant un coût de production maîtrisé et faible. Concrètement, produire autant d’agneaux que notre exploitation le peut en ayant comme seule ressource le pâturage. Pour ce faire, les deux principaux leviers sont la productivité des prairies et la productivité numérique du troupeau (nombre d’agneaux produits). Il est difficile de donner des chiffres comme règle générale puisque beaucoup de facteurs rentrent en compte. Prenons l’exemple d’une exploitation de zone de plaine (basse altitude) avec un hiver doux et des étés secs.
Comment les atteindre ?
Il est important de respecter des dates, savoir rationner, mesurer les performances et être capable de s’adapter à la saison.
Des indicateurs permettent de juger la performance de son exploitation :
Les données d’échographie :
La fertilité (sur 2 cycles) : 95% sur les brebis, 85% sur les agnelles (luttées à 7-8mois)
La répartition des cycles : 80% dans le premier
Prolificité : entre 165% et 185% pour les brebis, 120% à 135% par agnelle.
La mortalité des agneaux à agnelage :
10% maximum sur les brebis
15% maximum sur les agnelles
Poids des agneaux au sevrage :
En race pure
Simples : 30kg de poids vif
Doubles : 28kg de poids vif
En croisement boucher
Simples : 32kg de poids vif
Doubles : 30kg de poids vif
C’est l’occasion d’aborder un autre point très important. Il faut certes viser à produire au plus faible coût possible mais il ne faut pas pour autant négliger les infrastructures de pâturage et de contention. Ces deux points permettent de réaliser avec précision tout ce que nous avons abordé depuis le début de cet article.
Les infrastructures de pâturage
Photos des contentions, des clotures / paddocks
Pour comprendre le raisonnement, nous allons prendre l’exemple du pays pâturant par excellence, la Nouvelle Zélande. Reconnu pour ses gros troupeaux, les “Kiwi farmer” mènent plusieurs milliers de brebis par unité de main-d’œuvre grâce à une bonne gestion de troupeau, mais aussi et surtout grâce à des infrastructures de pâturage et de contention performante. A commencer par les paddocks fixes, qui permettent de limiter fortement la charge de travail consacré à la gestion du pâturage. Cela demande toutefois de bien avoir calibré leurs tailles en amont. En effet ils doivent permettre d’assurer le pâturage tournant dynamique tout au long de l’année en s’adaptant à l’évolution des besoins des lots de pâturage et en assurant le temps de repos requis en fonction de la période (reportez vous aux articles sur la gestion des rotations). La création d’un parcellaire fixe requiert d’établir toute une stratégie d’alimentation et de gestion de l’allotement sur l’année. Les variations d’effectifs et de temps de présence permettent d’obtenir dans tous les cas le résiduel souhaité. Cette gestion est d’autant plus simple quand on peut augmenter le chargement de l’exploitation sur les périodes d’excédents (printemps) grâce à des troupeaux suiveurs (bovins). De cette manière, l’astreinte quotidienne liée au pâturage est fortement réduite puisqu’elle consiste à ouvrir et fermer une barrière pour déplacer le lot. Que vous déplaciez 200 ou 2000 brebis la différence de temps de ne sera pas significative. Toutefois le système techno-pâturage, couloirs en clôture électrique fixe dans lequel on recoupe avec un filet avant et un arrière peut se révéler plus adapté dans la mise en place d’un système pâturant. Ce dernier permet de faire évoluer le troupeau les premières années sans avoir de problème de gestion de l’herbe dû à des paddocks trop grands. C’est aussi un très bon outil pour apprendre la gestion de l’herbe, la taille des cellules allouées peut varier chaque jour, il est donc plus facile de rattraper ses erreurs. Ce système couloir est très adapté à l’engraissement des agneaux, puisqu’il permet d’adapter la taille de la cellule par rapport au nombre d’agneaux, qui fluctue toute les semaines.
Le réseau d’abreuvement distribuant chaque paddock permet de s’affranchir de l’astreinte d’apporter l’eau via des citernes et d’assurer une quantité et une qualité d’eau satisfaisante pour le troupeau.
Autre point clé, la contention.
A la fin de la lecture de tous les articles sur la production ovine vous comprendrez que celle-ci est souvent sollicitée, il est important qu’elle soit fonctionnelle et adaptée à la taille de votre troupeau. La contention mobile n’est pas la meilleure solution (bien que parfois la seule dans des parcellaires très éclatés) puisqu’elle est chronophage (installation et démontage) et souvent peut fonctionnelle. Faire l’impasse sur cet investissement (ou le négliger) est souvent observé lors de la création d’un élevage ovin et l’impact sur la production aussi ! Les interventions essentielles sont négligées : pesée, échographie, double tonte, allotement etc. Au-delà de l’impact au moment donné, ces négligences peuvent avoir un impact sur le long terme de votre exploitation (résistances aux produits antiparasitaires, hausse de la mortalité à l’agnelage, allongement des périodes de finition, baisse de la fertilité et de la prolificité etc). Reportez-vous aux articles sur la conception et le fonctionnement de la contention chez les ovins (article à faire).