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    Faire évoluer son système vers plus de pâturage : de 60 ha de maïs à 25 ha

    La ferme en bref

    Lieu : Juvigny-les-Vallées, dans le Sud-Manche
    Installation de Christophe sur une exploitation voisine de celle de ses parents en 2003.
    En GAEC avec sa femme depuis 2011, suite au départ en retraite de ses parents.

    Dates clés
    2017 : questionnement sur la gestion du pâturage, + 10 ha au milieu de la ferme pour le pâturage
    2019 : accélération de la mise en place du pâturage tournant dynamique
    2020 : départ d’un salarié
    2021 : perte du second site de 50 ha des génisses et des bœufs, mais + 10 ha à la ferme

    Main-d’œuvre
    2 associés (Christophe et son épouse)
    2 salariés jusqu’au printemps 2020, 1 salarié aujourd’hui
    Main-d’œuvre occasionnelle

    Élevage

    • 150 VL normandes : moyenne de 22 L
    • 52 ha accessibles pour les VL avec une petite route à traverser
    • Site des génisses et bœufs : 50 ha (perte du site en 2021)
    • 10 ha récupérés en 2021 auprès du corps de ferme pour les génisses
    • Élevage de tous les animaux sur l’exploitation : les mâles à 40 % en bœufs et 60 % en taurillons (projet d’arrêter en 2021)
    • Pâturage 24 h ou 12 h pour les VL

    Cultures

    • 25 ha de maïs
    • 4 ha d’orge
    • 6 ha de mélanges céréaliers pour les veaux

    L’évolution du système alimentaire

    • La ration avant la mise en place du système : ⅔ de maïs ensilage/⅓ d’herbe/soja (3,5 semi-remorques).
    • La ration aujourd’hui : 100 % pâturage du 1er avril au 31 juillet 2020 et ration hivernale avec ½ de maïs ensilage/½ d’herbe/soja (1 semi-remorque).
    • Temps de pâturage en 2020 : du 4 février au 8 décembre. Avant, les vaches ne sortaient pas avant mi-avril.

    Il y a quatre ans, sur l’exploitation, l’alimentation reposait sur un système maïs/soja avec 50 ha (voire 60 ha certaines années) de culture de maïs ensilage. La ration comprenait un tiers d’herbe ensilée.

    “Concernant le pâturage, on lâchait les vaches dans les pâtures et on les changeait quand elles râlaient ! Nous avions beaucoup de refus à gérer, on fauchait énormément.”

    C’est en 2017 que Christophe décide de se pencher sérieusement sur la gestion du pâturage. Depuis des années, il y pense : il sait que sa ferme a un potentiel herbager, avec la possibilité d’aller jusqu’à 65 ha accessibles, mais il a besoin de repères et il peine à trouver des personnes pour l’accompagner dans sa réflexion.

    Pourquoi se lancer ?

    La rentabilité de la ferme et, selon les termes de Christophe, “le ras-le-bol” d’être dépendant de l’extérieur sont les deux premiers moteurs : “Nous produisions beaucoup, mais nous n’avions pas grand-chose à la fin. Nous achetions beaucoup, et ces personnes à qui nous achetions avaient l’air de mieux vivre que nous. Il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Nous avions aussi l’impression d’être dans un engrenage, il fallait toujours faire plus, mais on a que deux bras. »

    Christophe évoque aussi son envie de transmettre à ses trois enfants, aujourd’hui âgés de 6, 9 et 12 ans : “Avec ma femme, nous ne voulons pas écœurer nos enfants du travail à la ferme. Nous verrons ce que le futur nous réserve, mais si on leur donne l’image que c’est un métier éreintant et qui gagne peu, c’est perdu d’avance et ils auraient bien raison. »

    Ensuite, Christophe souligne qu’avec la diminution des exploitations laitières sur son secteur, l’ensilage de maïs devient compliqué : “Trouver du monde pour les corvées devient plus dur, il y a moins de monde et les gens sont débordés.”

    Finalement, en 2017, 10 nouveaux hectares viennent désenclaver les terres auprès du corps de ferme. Il envisage ainsi avec plus de sérénité le pâturage : “J’ai toujours voulu rester centré autour de la ferme, j’ai déjà refusé des hectares éloignés.”

    S’appuyer sur l’expérience des autres et se former

    C’est dans le journal L’Agriculteur normand qu’il lit un article écrit par Guillaume Baloche de Paturesens et il décide de participer à la porte ouverte organisée par ce dernier chez Maxence Calais, à Marchésieux, dans la Manche : “Maxence nous a expliqué comment il avait mis en place le système pâturant et ses résultats. J’avais trouvé son intervention très stimulante, mais j’avais encore besoin d’être rassuré, et une exploitation ne fait pas l’autre.”

    Ensuite, il participe à un voyage au Pays de Galles en 2018, organisé encore une fois par Guillaume Baloche : « J’ai surtout été frappé par la simplicité des systèmes et les performances à l’herbe. Ce n’est pas la même mentalité, je n’ai pas envie de faire pareil, nous avons vu beaucoup de gros troupeaux, mais ça donne une vision de ce que le système à l’herbe peut donner. Ce voyage m’a conforté dans mes choix.”

    En 2018, il participe également aux formations Paturesens sur la saison et commence à expérimenter sur sa ferme. En 2019, pour consolider les changements, il fait intervenir Guillaume Baloche : “J’avais besoin de sécuriser les changements et aussi de rassurer tout le monde, ma femme et mes salariés. Parfois, ça passe mieux quand ça vient de l’extérieur. Techniquement, ça nous a permis d’éviter des erreurs et de partir sur de bonnes bases.”

    Les difficultés du pâturage tournant dynamique

    Gérer l’incertitude du changement

    “La barrière des vaches est plus facile à ouvrir que la barrière dans la tête !”, souligne Christophe avec autodérision et humilité.

    Les freins psychologiques sont souvent évoqués dans les changements de système. Changer comprend toujours des risques qui peuvent être mesurés, mais une part d’incertitude subsiste. Christophe a géré cette part d’incertitude en choisissant d’y aller par étapes et en s’entourant de personnes compétentes : « Je n’ai pas voulu tout faire d’un coup par mesure de sécurité, j’avais besoin de repères. Nous mettons en place par étapes et Guillaume est là en soutien technique et aussi pour nous rassurer dans nos choix.”

    Si, dans un premier temps, Christophe s’est fait accompagner, il est aujourd’hui autonome dans la gestion de son pâturage.

    L’aménagement

    Un travail d’aménagement est nécessaire pour optimiser la gestion du pâturage et garantir des conditions de travail agréables pour les éleveurs : “Il nous reste un gros travail, c’est la plus grosse partie finalement. Aujourd’hui, tous les chemins ne sont pas faits. Ce n’est pas tous les jours agréable de traire avec des mamelles qui ont traîné dans la terre !” Heureusement, tous les chemins ne sont pas concernés. Christophe et son épouse vont aménager les derniers chemins pour plus de tranquillité et aussi de performance. Des vaches qui peinent sur les chemins, ça entraîne une baisse de production : “C’est direct, le tank parle.”

    Il faut aussi prévoir un investissement pour clôturer et mettre en place le système d’abreuvement : “Il faut prendre ça au sérieux pour ne pas avoir de problèmes après. Il nous reste encore beaucoup de travail.”

    Gérer la complémentation au maïs

    “Nous conservons encore le maïs, parce que nous faisons vêler à l’automne une partie du troupeau et je ne me vois pas sans. Par contre, il faut trouver l’équilibre, ne pas trop leur donner à l’auge au risque d’avoir des refus. Aujourd’hui, nous avons moitié moins de stock de maïs, alors c’est moins stressant que le pâturage en flux tendu, mais ça nous met une petite pression quand même car, quand on voit le silo diminuer, ça nous pousse à mettre à l’herbe plus rapidement. C’est une bonne chose finalement ! (rires)« 

    L’entourage professionnel

    “Je peux vous dire qu’on est parfois regardés bizarrement ou même critiqués. Certaines personnes nous disent que ça ne peut pas marcher, que l’herbe n’a pas un UF suffisant, n’est pas équilibrée, etc. J’essaie de ne pas faire trop attention. Là où j’ai été vigilant, c’est avec ma femme, qui est mon associée, et les salariés. C’est normal, ils avaient besoin de savoir où nous allions.”

    Les améliorations suite à la mise en place du pâturage tournant dynamique

    Économiquement

    Christophe produit globalement plus de lait avec moins de charges. Au printemps, en pleine pousse, il gagne entre 2 et 3 litres par jour et par vache. L’hiver, avec le maintien du maïs et du soja, les vaches produisent 20 litres par jour et par vache : “Même si nous avons encore du maïs et du soja, notre EBE a augmenté. Il faut aussi compter moitié moins de semences, moins de fauches et moins de lisier, donc moins de tracteurs, de produits, etc.”

    La qualité des prairies

    Sur l’exploitation, le potentiel varie entre 8 et 12 T de matière sèche selon les parcelles (fin de coteaux ou fonds de terre). Christophe constate une amélioration de la productivité. Avec une meilleure gestion du pâturage, les refus sont moins importants et la plante est correctement stimulée : “La première année, nous avions fait beaucoup de topping pour gérer les refus. Cette année, nous avons mis les vaches taries derrière quand il y avait besoin de nettoyer.”

    Main-d’œuvre

    “Comme nous faisons par étapes pour le moment, il n’y a pas de changement important concernant le volume horaire. Nous avons encore beaucoup de travail d’aménagement à faire, nous faisons beaucoup par nous-mêmes et le provisoire dure parfois longtemps (rires). Par contre, sur l’année, nous passons moins de temps dans le tracteur à distribuer l’alimentation, à gérer le lisier, etc. Nous avons aussi diminué de moitié la corvée de maïs. Nous sommes plus libres dans notre organisation, finalement.”

    L’intérêt pour le pâturage a stimulé les échanges entre associés

    Depuis que le pâturage est en route sur l’exploitation, Christophe et sa femme échangent plus sur le système alimentaire. Avant, son épouse ne s’intéressait pas à la gestion du maïs. Christophe se sentait un peu seul dans les prises de décisions. Aujourd’hui, dans la gestion du pâturage, ils sont aussi impliqués l’un que l’autre. La responsabilité concernant l’alimentation du troupeau est davantage partagée, ce qui apporte un nouvel entrain sur la ferme : “Le maïs, ce n’était pas son truc, à ma femme. Avec le pâturage, nous nous y intéressons tous les deux, nous partageons aussi la responsabilité des décisions. Je me sens moins seul.”

    Les changements en cours ou à venir sur l’exploitation

    • Arrêt de l’élevage des mâles : “Nous avons perdu le deuxième site de 50 ha où l’on mettait les génisses et les bœufs, mais nous avons récupéré 10 ha au pied de la ferme. Nous allons donc arrêter l’élevage des mâles avec cette perte, mais aussi pour gagner du temps, et nous allons améliorer le suivi des génisses qui seront désormais près de la ferme.
    • Mise en place d’un système techno pour les génisses près de la ferme.
    • Diminuer encore un peu le maïs.
    • Regroupement des vêlages au printemps pour 50 % du troupeau.

    L’avis de Christophe sur le pâturage :
    “Mon seul regret est de ne pas l’avoir fait il y a 5 ans. Nous serions mieux économiquement, aujourd’hui, si nous avions démarré plus tôt.”

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    MARIE GODARD
    J'ai été responsable de la formation à Paturesens pendant 5 ans, après avoir travaillé au service de remplacement lors de ma reconversion professionnelle dans le milieu agricole. Passionnée de l'humain avant tout, formée aux sciences humaines et à l'accompagnement, je propose aujourd'hui des projets pour permettre aux agriculteurs(trices) d'améliorer leurs relations au sein de la ferme, de retrouver du sens et la fierté à être agriculteur au quotidien. J'interviens également auprès des centres de formation pour sensibiliser les futurs agriculteurs et auprès de conseillers et formateurs pour améliorer leur capacité d'accompagnement. Me contacter : mg.godard@gmail.com ; 0671135119

    REDACTEUR

    MARIE GODARD
    J'ai été responsable de la formation à Paturesens pendant 5 ans, après avoir travaillé au service de remplacement lors de ma reconversion professionnelle dans le milieu agricole. Passionnée de l'humain avant tout, formée aux sciences humaines et à l'accompagnement, je propose aujourd'hui des projets pour permettre aux agriculteurs(trices) d'améliorer leurs relations au sein de la ferme, de retrouver du sens et la fierté à être agriculteur au quotidien. J'interviens également auprès des centres de formation pour sensibiliser les futurs agriculteurs et auprès de conseillers et formateurs pour améliorer leur capacité d'accompagnement. Me contacter : mg.godard@gmail.com ; 0671135119