
Gabriel Defrasne et Nicolas Bole sont producteurs de lait pour l’AOP Morbier à Montgesoye, dans le Doubs. Depuis le passage au pâturage tournant dynamique il y a quatre ans, le système d’élevage est monte en puissance avec plus d’animaux sur les prairies, sans augmenter les charges d’alimentation ni de mécanisation qui étaient déjà restreintes.
- 2 associés en Gaec
- production de lait en AOP Morbier (lait cru) : 360 000 kg lait
- 165 ha : uniquement prairies naturelles dont 60 ha de parcours et quelques hectares de céréales autoconsommées
- 55 Montbéliardes
- Croisement d’une partie du troupeau en Angus et engraissement des femelles à 30 à 36 mois
Dans la vallée de la Loue, avec le siège de l’exploitation à 320 m d’altitude, l’élevage de Gabriel Defrasne valorise des terres très hétérogènes, avec beaucoup de parcelles sérieusement escarpées (anciens côteaux de vignoble) et donc difficilement mécanisables. Le système d’élevage a donc toujours été organisé pour une valorisation maximale par le pâturage des montbéliardes.
« On préfère éviter d’y aller, et que ce soit les animaux qui fassent le boulot. Une bonne partie – 60 hectares – est même constituée de parcours » présente Gabriel Defrasne. Ces parcours sont valorisés par les génisses en pâturage uniquement. Sur l’ensemble des surfaces de prairies, le chargement est aujourd’hui entre 0,7 et 0,8 UGB/ha.« Il était avant de 0,6. Avec le pâturage tournant dynamique, nous avons pu augmenter le chargement » raconte Gabriel.
« Avant, avec 165 ha pour produire 360 000 kilos de lait, on avait 120 à 130 animaux soit 90 UGB. Aujourd’hui on a plus de 200 têtes, et on va monter encore les effectifs. Et nous sommes excédentaires en foin, alors qu’avant on était limités par le manque de stocks. »
En cette année 2021, favorable pour les systèmes herbagers, il arrive au cinquième tour pour les laitières fin juillet, et elles ne sont pas passées au pâturage de regains (ce qui est d’habitude pratiqué dans l’été).
« On a de l’herbe pour finir l’été, et on avait commencé à détacher le 22 février. Dès le 22 mars, les laitières pâturaient jour et nuit. » Quand en mai il y a des jours et des jours de forte pluie, il a pu éviter de rentrer et complémenter les vaches. Mais les inondations de certaines parcelles continuent cependant en juillet de bien perturber le travail.
« On était déjà dans l’optique de rechercher l’efficacité de la ration de base et d’être très économe en concentrés. On distribue maintenant moins de 1200 kg par vache et par an, quand le cahier des charges Morbier exige de ne pas dépasser 1800 kg » explique aussi Gabriel. La complémentation varie entre 50 et 100 g de concentré par kilo de lait en période de pâturage. « On a aussi baissé l’âge au premier vêlage. Maintenant toutes les génisses vêlent à 24 mois. »
C’est en janvier 2017 qu’une formation de Pâturesens a décidé Gabriel à se lancer dans le pâturage tournant dynamique. Il a été mis en place dans la foulée : des paddocks journaliers ont été dessinés pour les vaches laitières : un bloc de 27 ha en paddocks de 80 ares pour deux repas (soit 24 heures). Auparavant, Gabriel a appliqué différentes techniques de gestion du pâturage et il a toujours mesuré les hauteurs d’herbe avec plus ou moins de précision. « On a un nouvel herbomètre. Maintenant, on entre à 3 000 kgMS/ha et on essaie le plus possible de débrayer des paddocks quand il le faut. »
« La mise en pratique s’est faite un peu à l’arrache la première année » se rappelle Gabriel Defrasne, car l’installation des points d’eau n’était pas des plus pratiques. Mais tout s’est bien passé. J’avais déjà le tour clôturé en high tensile et des lignes d’eau. Je n’ai eu qu’à poser des fils souples et à modifier les lignes d’eau. »
Les investissements ont donc été limités au départ. L’année suivante, l’éleveur a refait 600 m de chemins en béton de part et d’autre du bâtiment.
« Avec le pâturage tournant dynamique, la production de lait par vache a à peine baissé et ce n’est plus une question car on réfléchit en production à l’hectare, et on sécurise les résultats de reproduction qui ne se dégradent pas. »

Le niveau de production se situe entre 6000 et 6500 litres. Nicolas Bale a rejoint le Gaec depuis le 1er mai 21 et dans le cadre de son installation, un suivi hebdomadaire de la conduite du pâturage pour deux ans par Pâturesens avec Thomas Mauger a été souscrit.
L’objectif à terme des éleveurs est de produire 420 000 kilos de lait avec 70 vaches laitières, pour une meilleure utilisation de l’herbe produite sur les 35 hectares et cela ne jouera que très peu sur la production de stocks hivernaux vu le mois moyen de lactation des animaux à cette période.
« L’erreur que l’on faisait les premières années je pense, c’était de ne pas assez « taper les résiduels » sur les deux premiers tours : si on ne met pas assez de pression au démarrage de la saison, on risque d’avoir toute l’année des couverts moins réguliers » observe Gabriel. L’exploitation est située dans une vallée et le sol se réchauffe très vite, donc les stades de l’herbe avancent très vite et il n’est pas facile de suivre. « En deux jours l’herbe durcit. »
Une partie des vaches laitières sont inséminées en race Montbéliarde pour le renouvellement du troupeau, et toutes les autres étaient croisées jusqu’à récemment avec du Charolais, beaucoup de Blanc Bleu. En septembre 2020, les premiers Angus croisés sont nés sur la ferme pour remplacer les blancs bleus. Les veaux mâles croisés Blanc Bleu sont vendus à quinze jours ou trois semaines, et toutes les femelles croisées Blanc Bleu, soit une dizaine par an, sont élevées puis engraissées à l’herbe pour être vendues entre 30 et 36 mois. Les croisés Angus sont tous élevés – les mâles étant castrés à la naissance – et sont élevés en plein air intégral jusqu’à l’âge de seize mois (ils sont ensuite engraissés par un autre éleveur).
Pratiquement 80 % des veaux sont élevés par des nourrices, choisies parmi les montbéliardes du troupeau qui ne passent pas en salle de traite. Chacune élève trois petits croisés, et ce lot sort donc aussi au pâturage.
Il y a donc pas mal de troupeaux à déplacer toutes les 24 heures : les vaches laitières en paddocks journaliers, les vaches nourrices avec les génisses qui préparent leur vêlage à deux ans en techno, les croisées blanc bleu en finition en techno, et les veaux de l’année avec les génisses montbéliardes de l’année eux-aussi en techno.
Les autres lots tournent tous les trois jours (taries, croisées blanc bleu d’un à deux ans).
« La gestion des lots représente 1 à 2 heures de travail par jour. Et c’est un plaisir ! » souligne Nicolas. « Le pâturage tournant dynamique est le meilleur système pour avoir toujours l’herbe au bon stade. »
La base de la ration d’hiver est le foin. Un séchoir solaire d’une capacité de 200 tonnes permet d’aller prélever sur les technos les excédents dès que deux jours de beau temps se présentent.
Jusqu’à présent, Nicolas et Gabriel prenaient des génisses en pension. Ils vont les remplacer par un troupeau Angus d’une vingtaine de vaches. « Les génisses en pension sont un peu contraignantes pour nous car notre système est plus ou moins bien compris par leurs propriétaires. Elles mettent trois ou quatre mois à s’adapter en arrivant au printemps, ne se comportent pas tout à fait comme les nôtres. Même si à l’automne, elles sont toujours belles » explique Nicolas.
