PLUS

    Comment concilier ses finalités, ses ambitions et sa vision du métier en reprenant la ferme familiale ? Les réflexions et le parcours de Romain

    Secteur : Plouédern dans le Finistère

    Conditions pédo climatique : Tempéré-océanique – Sols argileux-limoneux 50-60 cm de profondeur

    Main d’œuvre : 1 UTH + Aide familiale du père. Projet d’embaucher un salarié.

    SAU : 100 ha + 20 ha de mise à disposition répartis ainsi :
    4 ha de colza grain pour la vente
    3 ha de betterave pour les VL ( après vêlage pour un effet flushing )
    113 de prairies dont
    7 ha de PN
    60 ha prairies mélange pâturage RGA + TB ; Sur les terres plus séchantes : Fétuques élevées – Fétuques des prés – Plantain + Luzerne/trèfles V pour les VL + génisses
    46 ha de Fauches

    Rendement herbe : 13 Tonnes de MS/Ha
    En maïs, il faisait 16 tonnes de MS/HA , Romain espère améliorer encore son rendement d’herbe.
    “Nous faisions 16 Tonnes de MS/ha, il n’y a pas de raisons d’avoir l’ambition de se rapprocher de ce chiffre avec l’herbe en m’améliorant encore techniquement, toutes les conditions pédoclimatiques sont réunies.”

    Romain Marrec - Finistère - Courbe d'herbe
    Romain Marrec – Finistère – Courbe d’herbe

    Troupeau :
    80 VL à traire
    Moyenne par vaches 5000 L
    Races : Montbéliarde – PH – Jersiaises = Croisement 60%
    Croisement déjà commencé par son père début année 2000, en 2015 il a ajouté les jersiaises
    Mise en place des vêlages groupés de printemps depuis 4 ans

    350 000 L de lait ( il souhaite diminué si c’est possible )

    Audit Paturesens sur le système pâturant en 2017

    Certification AB depuis 20 octobre 2020

    Prévention sanitaire : Phytothérapie encadrée

    Organisation du pâturage : 30 ha accessibles VL en paddock de 70 ares en 24H           11 mois de pâturage

    Mise en place des chemins empierrés en 2020
    Mise en place du système d’abreuvement
    Organisation des paddocks avec entrées et sorties

    Génisses : système techno couloir 40m de large / 6 m de long / fil avant-fil arrière

    Ration des VL :
    17kg de MS/ jours / Vaches
    Pâturage herbe sur pied 70%
    Si herbe manque enrubanné + foin à volonté quand la pousse ralentie : Cycle de retour de 39 jours à allonger l’été pour ralentir le temps de retour
    Betterave dans la ration après vêlages

    Conduite des veaux :
    0-3 semaines dans un hangar avec des parcelles accessibles pour les habituer au courant
    Ration : Foin-Lait-Herbe exclusivement
    A 3 semaines ils sont sur des parcelles de 50 ares
    Précautions : Ne pas les faire descendre trop bas pour le parasitisme et fauche avant de les lâcher
    Les génisses de 6-7 mois ont du lait cru de vaches et de l’herbe si il manque de l’herbe il y a de l’enrubanné

    Les premières vêlent en Février les dernières en Avril : 2 lots

    Les mâles : 3 mâles sont gardés pour la reproduction
    10 mâles sont élevés en bœufs à l’herbe pour la vente directe en caissette ( réseau d’amis + familles )
    10 Veaux de lait en vente directe

    Avant installation
    70 vaches ; Production moyenne par vaches : 6000 L
    80 ha de SAU : 35 ha de maïs ensilage + 15 ha de cultures de vente + 30 ha de prairies temporaires
    Ration correcteur azoté arrêt sur 3 mois et demi
    vêlages étalés sur l’année
    480 000 L de lait
    Bâtiment à bout de souffle qui aurait pénalisé la performance animal à long terme

    Finalités de Romain :

    • “Avoir les vaches les plus heureuses du monde dans leur habitat le plus naturel possible ”, les faire vieillir un maximum avec peu de problèmes sanitaires et avoir un produit de qualité
    • Avoir du confort de vie avec une rémunération à la hauteur du temps passé auprès de ses vaches et du temps libre pour le passer avec son réseau d’amis et sa famille
    • Mettre en place un système le plus résilient possible et permettant de contribuer à lutter contre le réchauffement climatique ( stockage de carbone )

    L’installation de Romain

    Chercher des solutions pour répondre à ses finalités

    Romain s’est installé au 1 décembre 2015, sur la ferme familiale avec son père, depuis 4 générations, après 3 années de salariat sur l’exploitation.

    Dès 2017, il étudie le potentiel herbager de la ferme en faisant venir Florent, conseiller Paturesens.

    “Quand j’étais salarié sur la ferme, je projetais déjà de faire les choses autrement. Je cherchais des pistes de scénario pour faire autrement. Mais je n’avais pas trouvé par quel bout prendre les choses.
    C’est en échangeant avec des amis proches qui avaient découvert les systèmes pâturants en NZ et qui connaissaient Paturesens et en me renseignant sur internet, que j’ai commencé à me pencher sérieusement sur la gestion de l’herbe. J’ai lu tous les articles que je pouvais trouver. Je me suis aussi renseignée sur les méthodes d’élevages, les vêlages groupés, j’ai commencé à faire des prévisionnels, à analyser la charge de travail. et j’ai fait venir Florent en 2017, conseiller Paturesens sur la ferme pour faire le point du potentiel herbager de la ferme.”

    Romain était au clair sur ce qu’il ne voulait plus.

    “Je ne voulais pas démarrer le tracteur 2 fois par jour, préparer le maïs pour les vaches. Je ne voulais pas gérer les problèmes sanitaires, les cellules, l’acidose, les caillettes, tout ça me gênait.

    Je voyais l’herbe autour des bâtiments qui étaient en full grass, elle n’était pas du tout valorisée et pourtant j’entendais que l’herbe permettait d’améliorer la rentabilité”.

    Ne pas passer sa vie sur la ferme et respecter ses besoins

    “Dans le milieu agricole, la valeur travail est importante et j’y suis très attaché, mais poussé à l’extrême, parfois ça donne des choses étranges, si tu ne bosses pas 70 heures par semaine tu es un fainéant. »

    Romain a beaucoup de respect pour le travail de son père mais il aspire à mener son propre parcours. “Enfant, je voyais peu mon père, il bossait beaucoup, je lui tire mon chapeau, je n’aurai jamais été capable de faire ce qu’il a fait. Il m’a transmis un outil de travail que je respecte mais je voulais faire autrement pour ne pas travailler 80 heures par semaine.”

    Romain se connaît, il sait ce qui l’anime et à contrario ce qu’il ne pourrait pas supporter et qui l’aurait mené dans une impasse moralement.
    “Je suis quelqu’un de sociable, j’ai besoin de sortir, de voir mes amis et là je me condamnais à ne faire que ça avec un tel système. En plus travailler dans un bâtiment, je n’en retire aucun plaisir, ça aurait été une souffrance pour moi. Et je voulais voir mes vaches dehors.”

    Le bâtiment de l’exploitant étant vieillissant si Romain avait continué sur le même type de système, il aurait dû investir, ce qui n’était pas envisageable pour lui : “Je ne voulais pas en plus de mon installation, refaire un bâtiment qui aurait augmenté mes emprunts.”

    Dépasser le conflit de génération

    En 2017, après le passage de Paturesens, il décide donc de tout miser sur le pâturage, ce qui va générer des conflits avec son père.

    La peur de l’inconnu

    “Mon père a eu très peur, c’était l’inconnu pour lui et c’est vrai que c’était une prise de risque mais que je le prenais en conscience après avoir étudié différents scénarios. »

    Son père montre son désaccord en refusant de l’aider à mettre en place le système.

    “ J’ai posé le réseau d’eau, les clôtures sans sa participation, il était braqué. Heureusement des amis ont pu venir m’aider. L’on sait que sans la mise en place des aménagements il est difficile d’obtenir des résultats performants au pâturage.”

    Les tensions montent quand son père va donner du maïs ensilage aux vaches alors que Romain n’est pas d’accord. “Je gardais les clefs du tracteur pour l’empêcher d’y aller derrière mon dos, c’était vraiment une drôle de période”.

    Faire preuve de patience et maintenir les liens

    Chez Romain, on ne sent aucune rancune mais plutôt de l’empathie pour son père.
    Je savais que pour lui c’était difficile, il avait peur que ça ne fonctionne pas.”
    Il fait preuve de patience et de capacité de prise de recul. “J’ai essayé de mettre de côté toutes les choses négatives pour rester concentrer sur ce que je voulais faire. J’ai fait la part des choses, il y avait mon père et il yavait l’agriculteur. Je voulais maintenir notre lien même si nous n’étions pas d’accord sur la ferme. J’ai tout cloisonné, au repas de famille je n’autorisais pas qu’on parle travail.“

    Rassurer son père et l’impliquer dans le projet

    Les résultats techniques sont prometteurs, alors son père commence à se détendre.

    “Il a commencé à voir qu’avec une gestion rigoureuse de l’herbe on peut faire de la performance animale. »

    De plus, la passion communicative de Romain pour les systèmes herbagers se diffuse dans le paysage agricole local et crée une dynamique à laquelle son père participe.

    “ Il a participé à un documentaire sur notre système, il a pu exprimer aussi les craintes qu’il avait pu avoir sur l’état des animaux, le stock, la baisse de la production.”

    Le système aujourd’hui

    “Avant mon installation, nous avions que 18 ha accessibles mais par des échanges, j’ai réussi à obtenir 30 ha. Les vaches laitières tournent sur ces 30 ha en 24h, le système n’a rien de compliqué mais il faut être rigoureux sur la planification et le suivi pour réagir aux aléas climatiques.”
    Le temps de retour est de 39 jours et quand la pousse ralenti Romain met de l’enrubanné et du foin pour tourner moins vite pour ne pas pénaliser la pousse de l’herbe.

    Grouper les vêlages au printemps

    Dès 2017, il commence à grouper les vêlages sur le printemps. “ C’est un long processus, car j’ai tout fait naturellement sans hormones. Il faut accepter la baisse de lait, accepter des lactations longues pour synchroniser tout le monde, accepter de décaler des génisses…”

    Il s’était fixé la fermeture de la salle de traite en 2021. “Je me suis donné les moyens d’y arriver. J’ai utilisé les huiles essentielles de façon très pointue avec une spécialiste, j’y passe du temps pour l’instant mais c’est passionnant, j’ai réformé des vaches, j’ai vendu des génisses pleines mais qui n’étaient pas dans le cycle.” Résultat : plus de 70% vêlent en février.

    Romain est conscient du challenge. “La fertilité ne se fait pas du jour au lendemain, il me faut au moins encore trois générations pour être bien.”

    Des incidents sanitaires qui pénalisent encore le résultat économique

    Suite à excès de fer dans l’eau de fourrage, il yavait sur l’exploitation des problèmes de cellules. Tout est réglé aujourd’hui avec un réseau d’eau sain. La moyenne des cellules est aujourd’hui de 100 000. Les vaches n’ont plus de mammites.

    En 2020, sur 90 veaux, il a 10 jumeaux et 5 morts de salmonellose présent dans le bâtiment.

    Cette même année aussi 8 vaches et 2 génisses sont mortes de météorisation. Il a mis en place la distribution d’huile de paraffine dans les bacs à eau pendant les périodes à risques.

    Dans cette période encore de transition et d’amélioration technique, l’EBE est de 45 000 euros pour 30 000 euros d’annuitées. Romain se dégage un salaire net de 1200 euros. Il vise 2500 euros d’ici 2023 si tout va bien.

    Défendre ses valeurs et la passion du métier

    Se reconnecter aux vivants

    “Ce système répond aussi à mes valeurs en plus de son intérêt pour la rentabilité de la ferme et sur la pénibilité du travail. Je voulais me reconnecter aussi aux vivants, mieux comprendre comment la plante et le sol fonctionnent, comment les vaches évoluent dans cet écosystème ect ? Et je suis concentrée sur l’avenir, comment à mon échelle lutter contre le réchauffement climatique ? »
    Romain insiste sur l’importance pour lui d’être connecté avec le vivant. “Certains me prennent un peu pour un gars perché, mais c’est important pour moi de remercier ce que mon écosystème me donne, que ce soit mes vaches ou mes prairies.”

    Il s’intéresse aussi beaucoup à la phytothérapie qu’il utilise quotidiennement sur la ferme.

    Même s’il parle de son métier avec passion et enthousiasme, il ne cache pas quelques inquiétudes. “J’ai du mal à voir l’avenir de l’agriculture dans sa globalité alors je mise sur la relocalisation. Je veux me donner les moyens de faire à mon petit niveau.”
    Le système pâturant est une piste de solution pour l’avenir selon lui. C’est dans cette optique que la vente directe l’intéresse. “J’aimerai maîtriser la chaîne de production.”

    Ouvrir la réflexion

    Il accueille beaucoup de jeunes sur sa ferme et intervient auprès des élèves en formation agricole pour parler de son système, pour ouvrir la réflexion.

    “Ils seront sur le terrain prochainement pour certains dans 5-10 ans pour d’autres dans un an.  Ils doivent avoir conscience de ce qui les attend, et ce qui les attend c’est un sacré challenge : comment concilier ses envies et le bien commun sur toutes les questions du bien-être animal, sur l’environnement et leur qualité de vie ?”

    Point d’amélioration et projet du système

    • Améliorer la qualité des prairies et augmenter les prairies permanentes ( certaines prairies sont abîmées à cause d’erreurs techniques.)
    • Perfectionner les mélanges capables de résister au coup de sec
    • Replanter des haies
    • Augmenter petit à petit la vente directe

    Cet article vous a-t-il aidé ?

    Cliquez sur une étoile pour noter !

    Note moyenne 4.8 / 5. Nombre de votes : 5

    Aucun vote pour l'instant! Soyez le premier à évaluer cet article.

    Cet article vous a-t-il aidé ?

    Cliquez sur une étoile pour noter !

    Note moyenne 4.8 / 5. Nombre de votes : 5

    Aucun vote pour l'instant! Soyez le premier à évaluer cet article.

    MARIE GODARD
    J'ai été responsable de la formation à Paturesens pendant 5 ans, après avoir travaillé au service de remplacement lors de ma reconversion professionnelle dans le milieu agricole. Passionnée de l'humain avant tout, formée aux sciences humaines et à l'accompagnement, je propose aujourd'hui des projets pour permettre aux agriculteurs(trices) d'améliorer leurs relations au sein de la ferme, de retrouver du sens et la fierté à être agriculteur au quotidien. J'interviens également auprès des centres de formation pour sensibiliser les futurs agriculteurs et auprès de conseillers et formateurs pour améliorer leur capacité d'accompagnement. Me contacter : mg.godard@gmail.com ; 0671135119

    REDACTEUR

    MARIE GODARD
    J'ai été responsable de la formation à Paturesens pendant 5 ans, après avoir travaillé au service de remplacement lors de ma reconversion professionnelle dans le milieu agricole. Passionnée de l'humain avant tout, formée aux sciences humaines et à l'accompagnement, je propose aujourd'hui des projets pour permettre aux agriculteurs(trices) d'améliorer leurs relations au sein de la ferme, de retrouver du sens et la fierté à être agriculteur au quotidien. J'interviens également auprès des centres de formation pour sensibiliser les futurs agriculteurs et auprès de conseillers et formateurs pour améliorer leur capacité d'accompagnement. Me contacter : mg.godard@gmail.com ; 0671135119