Dans le Finistère, Matthieu Caugant s’est installé en 2018 en Gaec avec son père Jean-Hervé. Celui-ci avait depuis déjà près de trente ans placé les prairies au centre du système fourrager, et pris en 1998 le virage vers l’agriculture biologique. Matthieu a prolongé cette logique en adoptant le pâturage tournant dynamique. Un investissement conséquent a été réalisé pour équiper le parcellaire, avec en particulier un boviduc.
- 3,2 unités de main d’œuvre : deux associés en Gaec, un salarié à mi-temps et une salariée pour la traite du soir en semaine
- 194 ha de SAU dont 150 hectares de prairies, 15 ha de maïs épi, 12 ha de sarrasin et 15 ha de céréales
- 130 vaches laitières dont 40 % de race Pie Rouge et 60 % en croisement Procross
Pâturage tournant dynamique avec paddocks de 24 heures pour les vaches laitières sur - 90 hectares accessibles
- Agriculture biologique depuis 1998
- Production de 800 000 litres de lait
Dans le Finistère, à Dinéault, le Gaec de Roz Avel capitalise depuis déjà près de trente ans sur les prairies multi-espèces et la vie du sol. Avant de s’installer avec son père Jean-Hervé en 2018, Matthieu Caugant avait ainsi acquis un certain niveau de connaissances sur la conduite du pâturage grâce à l’expérience familiale.
Jusqu’à il y a sept ans, il y avait 90 à 100 vaches laitières au Gaec avec 65 à 70 hectares de prairies accessibles, et elles pâturaient sur des paddocks de deux à trois hectares en changeant tous les trois jours. Matthieu a décidé de passer au pâturage tournant dynamique. « J’avais lu pas mal d’articles, en particulier sur les pros des systèmes herbagers que sont les éleveurs irlandais et néo-zélandais, j’ai suivi une formation et un voyage il y a trois ans en Nouvelle-Zélande avec Pâture Sens » explique-t-il. Beaucoup d’échanges donc qui l’ont décidé à se lancer, et à se confronter à la mise en pratique à la maison.
Matthieu a commencé à mettre en place des paddocks pour 24 heures pour les vaches laitières. « L’idée est d’attribuer 10 ares par vache et par jour. Ils sont donnés en deux repas grâce à un fil qui les coupe en deux. Les vaches ont ainsi de l’herbe fraîche à chaque retour de traite et elles l’ont bien compris. Elles ont changé de comportement : elles sont toujours motivées à aller pâturer » constate-t-il.
Matthieu était bien préparé, et la mise en route de l’organisation s’est faite dans une ambiance relativement sereine. « Je suis quand même surpris par l’amélioration de l’état général de santé des animaux et la régularité de la production laitière avec le pâturage tournant dynamique. »
L’éleveur apprécie aussi vraiment la qualité de la pousse de l’herbe et estime que le rendement a progressé d’au moins 0,5 tMS/ha/an (par rapport à une moyenne entre 10 tMS/ha/an).
Sur le même temps, le cheptel est passé à 130 vaches et la surface accessible a atteint 90 hectares (avec un agrandissement de l’exploitation de seulement 5 ha). « En fonction de la configuration des parcelles j’arrive à des paddocks 24 heures de 1,4 à 1,5 ha. » Pas moins de 3,5 kilomètres de chemins ont été aménagés. « Tout est empierré. J’ai fait appel à un terrassier et les endroits en forte pente ont été stabilisés (chaux ou béton). »
Matthieu a commencé depuis trois ans à remplacer les clôtures classiques par du high tensile au fur et à mesure de la rotation, au moment de ressemer une prairie après les deux ou trois ans en cultures. Tous les paddocks sont distribués en eau (diamètre 40 sur les adductions principales puis de 25 jusqu’à des bacs en béton de 1300 litres tous les deux paddocks). Le parcellaire n’était pas dépourvu de haies et talus, Jean-Hervé avait aussi replanté il y a une dizaine d’années et les éleveurs ont en projet de finaliser dans les prochaines années le maillage bocager.
C’est le boviduc qui a été la pièce la plus importante dans l’aménagement du parcellaire de pâturage. « Auparavant, pour ne pas faire traverser aux vaches la route de nuit, on avait des paddocks de jour d’un côté de la route et des paddocks de nuit de l’autre côté. Cela revenait à devoir gérer deux parcellaires » raconte Matthieu. « C’est maintenant beaucoup plus facile à organiser et gérer en un seul parcellaire. C’est aussi plus simple pour le travail quotidien : les vaches se déplacent seules pendant que je m’occupe du fil. » L’éleveur estime que l’aménagement du parcellaire représente au total un investissement d’environ 150 000 euros.
Matthieu et Jean-Hervé travaillent avec Mickaël, salarié présent les jeudis et vendredi et un week-end sur deux les samedis et dimanche matin, et avec Carine qui elle assure la traite du soir en semaine (2,5 h par jour). C’est Matthieu qui est chargé du suivi du pâturage et il échange avec son père sur ce qu’on débraie, comment on avance dans les paddocks … Il est très jeune mais a déjà l’expérience qui permet d’ajuster les paddocks et les rations à l’œil.
Les prairies sont des multi-espèces avec quatre ou cinq graminées et trois ou quatre légumineuses. Des prairies où non pas le ray-grass anglais, mais le ray-grass hybride est dominant. « Sa pousse se répartit bien sur l’année » justifie Matthieu. La fétuque des prés ou la fétuque élevée selon la destination prioritaire des parcelles – pâturage ou fauche est aussi très présent. Les légumineuses associées sont trois ou quatre trèfles différents et pour certaines parcelles séchantes du lotier. Le renouvellement des prairies temporaires est décidé « au cas par cas, quand on trouve que la dynamique du trèfle n’est plus assez conséquente. »
L’une d’elles a été conservée trente ans par exemple, une autre quinze ans, et généralement elles durent classiquement entre six et dix ans.
Sur les paddocks 24 heures, quand il y en a à débrayer, Matthieu essaie de faucher ceux qui ont été mal déprimés ou ceux qui ont besoin d’être remis à niveau par rapport au tallage de l’herbe. « J’essaie de ne pas débrayer toujours les mêmes. Et en juin et juillet, tous les paddocks sont mis une fois en topping pour gérer les adventices ou le développement de touffes de refus. Ça marche bien pour obtenir une bonne remise à niveau. »
En général, les vaches laitières commencent à sortir mi-février et font un repas conséquent d’herbe à partir de début mars. L’été se passe sans affourager au pré ou presque tous les ans. Matthieu apporte peut-être une botte d’enrubannage par jour sur une petite période de l’été pour le lot de 130 vaches. Par contre, si les terres sont assez légères, de l’eau superficielle empêche, à un moment de l’hiver, de poursuivre le pâturage. Cette année, les animaux ont pu faire « une petite ventrée d’herbe » jusqu’à début janvier avant de rester complètement en bâtiment pour quelques semaines.
Dans le troupeau sont associées des vaches de pure race Pie Rouge avec des vaches conduites en croisement trois voies Procross (production moyenne de 6 400 litres). « Nous sommes partis de la Holstein qui est croisée de façon rotative avec la Rouge scandinave et la Montbéliarde » explique Matthieu. « Cela nous donne des animaux beaucoup plus rustiques, qui conviennent bien pour un système très pâturant dans lequel certains flux de ration sont à encaisser selon la pousse de l’herbe. » Cinq jersiaises complètent le tableau.
Pie rouges et croisées sont conduites en un seul lot mais avec deux périodes de vêlage. Il reste à caler encore un peu les choses, mais dans l’idéal, une partie des vaches vêlent entre début septembre et début décembre et l’autre partie entre mi-février et fin avril.
« Historiquement le troupeau était en vêlage d’automne. On a décidé de décaler une partie des vêlages au printemps ce qui permet de lisser les pics de travail au moment des vêlages . C’est important car le cheptel a augmenté. Nous sommes attachés à livrer du lait toute l’année » explique Matthieu.
Et cette organisation limite l’exigence en stocks de qualité pour la période en bâtiment et donc donne un peu de souplesse.
Les trente premières femelles nées à partir de septembre sont conservées pour le renouvellement. Tous les autres veaux sont vendus à quinze jours. « Les génisses vêlent à deux ans et je fais en sorte qu’elles reçoivent l’alimentation qu’il faut pour parvenir à cet objectif. » Un des veaux mâles est conservé pour servir de taureau de monte naturelle et rattraper au pré les retours éventuels après une ou deux inséminations en bâtiment. Idem pour les vêlages de printemps : un taureau né sur l’exploitation assure les rattrapages de mi-juin à mi-juillet.
À côté des prairies accessibles aux laitières, les éleveurs valorisent une quarantaine d’hectares presque exclusivement fauchés. Matthieu tâche d’y faire faire un pâturage à l’automne ou un pâturage au printemps voire les deux si possible avec des génisses, des vaches taries ou des vaches à engraisser. En 2021 – année favorable – elles ont été fauchées quatre fois. D’autres ont été fauchées deux fois et pâturées trois ou quatre fois. « J’ai l’objectif de faucher toutes les six semaines. Pour le mode de récolte, je choisis ce qui est le mieux au vu des conditions météo du jour où il y a de l’herbe à faucher ».
Tout le fumier est épandu sur les prairies, en essayant de passer sur toutes les parcelles tous les ans (autour de 10 m3/ha sur les surfaces pâturées et 20 m3/ha sur les parcelles fauchées).
Un séchoir à balles rondes de foin est en place depuis une vingtaine d’années, depuis le passage en bio et à l’époque, il constituait le principal mode de gestion des stocks. Ce séchoir permet de faucher à un stade précoce avec une garantie sur la valeur alimentaire du foin. Dans le système fourrager actuel, si la météo le permet, c’est toujours du foin qui est fait. De l’enrubannage est récolté quand les conditions météo sont délicates et certains chantiers sont ensilés quand les conditions se présentent (surface à récolter et météo). Par exemple en 2021, 300 bottes de foin et 800 bottes d’enrubannage ont été récoltées. Cuma et ETA permettent aux éleveurs de jongler sans complication entre ces modes de récolte.
« J’ai aussi dix hectares du pâturage des vaches laitières qui servent de variable d’ajustement au système : ils sont plutôt fauchés mais peuvent être pâturés si l’herbe manque » explique Matthieu. Et pour assurer les rations, il y a aussi une douzaine d’hectares de méteil ensilage et autant de maïs épi.
C’est un méteil très riche en légumineuses qui est cultivé en dérobée du maïs et/ou du blé noir. Le mélange est constitué de pois, vesce, féverole, trèfle squarrosum, et le triticale et l’avoine y servent surtout de tuteurs. « Nous le composons le plus riche en azote possible pour restituer au sol. On estime sa valeur entre 18 et 21 % de MAT selon les années en fonction de la réponse des vaches. »
Le maïs est récolté en ensilage d’épis et pour Matthieu, ce fourrage joue un rôle important dans l’équilibre des rations à base d’herbe pâturée au printemps et à l’automne, quand un risque d’excès d’azote se présente. « Avec un peu de maïs épi dans la ration, on a vu beaucoup moins de boiteries en particulier. On distribue en moyenne deux à trois kilos bruts au printemps et en automne, et cinq kilos bruts en hiver. J’aimerais en distribuer toute l’année mais je n’en ai pas assez et en juillet août ce n’est pas gênant car l’herbe est bien équilibrée. »
Seulement un tout petit peu de tourteaux de soja sont achetés chaque année – de l’ordre de 2 tonnes – pour améliorer l’efficience de la ration à certaines périodes de l’année via sa teneur en lysine et en méthionine. Des minéraux sont également achetés.
Les dix vaches de réforme tournent pendant trois ou quatre mois avant d’être vendues. Elles valorisent des paddocks d’un ou deux hectares à la semaine pour s’engraisser plus ou moins, mais sans recevoir de concentrés. Les vaches taries, qui par moments sont une trentaine, valorisent les parcelles dont la flore est la moins riche sur le même mode de gestion. Les génisses sont conduites sur le même modèle sur un îlot qui est un peu plus loin des bâtiments.